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Le Management, l’Innovation et la Santé du Futur (chaire MISF)

Dernière mise à jour : 11 sept.


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Sandra Charreire Petit*

Professeure des Universités en Sciences de gestion

Université Paris-Saclay – RITM (research center in economics and management)

 

*Membre du corps professoral de l'Executive DBA Paris-Saclay / Business Science Institute




La santé constitue un domaine de recherche particulier pour le management, avec des enjeux individuel, collectif et sociétaux particulièrement forts. La prévention, l’organisation des soins, l’usage des technologies (e-santé), l’aidance (Coelho et.al, 2020), le recrutement et la fidélisation de soignants, ou encore la gestion de l’accès à une bonne santé pour tous, sont autant de défis à relever pour soigner demain une population vieillissante dont les maladies se chronicisent, tout en maîtrisant les coûts.


La crise sanitaire mondiale de la Covid-19 (2020-2023) a rappelé à chaque gouvernement combien l’organisation de leurs systèmes de santé et de leur capacité à se renouveler étaient essentiels, y compris au plan logistique. Avant et depuis la pandémie, de nombreuses innovations technologiques (e-santé notamment) ou organisationnelles (maisons de santé pluridisciplinaires, nouveaux services ou pratiques de soin) voient le jour. Elles sont considérées, selon les points de vue, comme des progrès au bénéfice du patient ou comme des moyens de maîtriser ou contenir des coûts qui augmentent. En France, une démarche « centrée sur le patient » est encouragée depuis le début des années 2000. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS) en 2024, il s’agit d’établir « une relation de partenariat avec le patient, ses proches, et le professionnel de santé ou une équipe pluri-professionnelle pour aboutir à la construction ensemble d’une option de soins, au suivi de sa mise en œuvre et à son ajustement dans le temps ».


De nouveaux objets pour la recherche en management


Parmi les questions pertinentes à instruire, depuis les sciences de gestion et du management, sur la santé de demain, certaines sont plus urgentes et utiles que d’autres afin de mieux comprendre les mouvements en cours.  Elles portent notamment sur la digitalisation de la santé, l’empowerment du patient, les relations patients – soignants -aidants, les processus d’innovation dans ce domaine si particulier, la prise en compte du genre, la santé au travail, ou encore la gouvernance et le pilotage des institutions de soins pour relever les défis de la santé demain.


Les patients se voient de plus en plus dotés d’outils digitaux pour prendre en main leur santé et participer à la prise de décision (empowerment du patient) via des applications. Les soignants utilisent ces dispositifs en retour pour surveiller, contrôler à distance la santé de leurs patients et, le cas échéant, préparer les consultations. Cette démarche transforme plus ou moins radicalement le fonctionnement des institutions de soins, mais aussi les relations patients – soignants en modifiant le rapport à la proximité dans le soin (Charreire Petit & Talbot, 2023) ou la perception même de cette proximité (Talbot, Charreire Petit & Pokrovsky, 2020).


Innovation, genre et IA : des champs à explorer


S’intéresser à l’innovation en santé, c’est aussi s’interroger sur la particularité de processus souvent difficiles à financer, très internationaux, et faisant intervenir de nombreuses parties prenantes publiques et privées, aux intérêts divergents, voire opposés. La littérature sur l’innovation en santé est riche, mais de très nombreuses questions restent en suspens ou méritent d’être approfondies. Les phases très amont de l’innovation par exemple, comme les essais cliniques, sont souvent très éclairantes pour mieux comprendre le management de ces processus et leur impact sur la santé des hommes mais aussi des femmes (Charreire Petit & Coron, 2025).  Le genre dans la santé demeure un impensé aux graves conséquences (McGregor  & Choo, 2012 ; Le Hen & Le Moël, 2025) et de nombreux sujets en lien avec le management de l’innovation restent, sur ce plan, largement à instruire.  


Le rôle de l’IA demain dans le développement des innovations, mais également dans la pratique des diagnostics et des soins reste largement à explorer. Déployer des innovations dans le but d’améliorer la prise en charge des patients nécessite de raisonner en parcours de soin, et au-delà, en parcours de vie, c’est-à-dire en envisageant la santé d’un point de vue global et pluridisciplinaire. C’est l’approche « global Health ». Cela suppose en particulier de mieux prendre en compte l’alimentation, mais aussi le patient dans son environnement, en particulier de travail.


La santé au travail est un vrai sujet de préoccupation, par exemple pour les entreprises qui font de plus en plus face au burnout de leurs salariés ou pour la société en général qui peine à prendre en charge financièrement cette pathologie souvent au long cours. S’intéresser au management et à l’organisation des systèmes de santé suppose également de bien comprendre les comportements et les choix des patients en matière de santé. Le décideur public gagnerait à mieux les connaître afin de mieux les intégrer dans les parcours de soins (Pokrovsky et. al, 2022). Aux plans théorique et managérial, cet ensemble de préoccupations rejoint le défi sociétal de la santé et du bien-être que l’Université́ Paris-Saclay ambitionne de relever, en synergie avec l’alliance EUGLOH (European University Alliance for Global Health), dont l’Université Paris-Saclay est coordinatrice et qui met en lien la santé humaine, animale et environnementale.


Gouvernance et complexité des systèmes de soins


La gouvernance des institutions de soins (hôpitaux notamment) demeure très complexe (cloisonnement, multiplicité́ des lignes hiérarchiques, tensions parfois frontales entre les sphères administratives, médicales et paramédicales, avec des identités et des cultures professionnelles fortes (Gilbert & Laporte, 2022, 2023). Les innovations technologiques ne fluidifient pas forcément ce type de relations. Par exemple, lorsque l’ingénieur s’invite dans le bloc opératoire augmenté, il faut composer avec une identité professionnelle et des compétences spécifiques supplémentaires à articuler à celles déjà présentes dans un bloc opératoire. Ces spécificités constituent potentiellement autant de difficultés pour les acteurs du soin, mais aussi pour les patients et leurs familles. Cela rend souvent nécessaire d’articuler les niveaux individuel, collectif et organisationnel autrement, mais également de considérer les intérêts et les limites des différentes parties prenantes. 


Un espace pour construire et partager des savoirs


Il n’est pas possible d’épuiser ici l’ensemble des défis et des problématiques en santé qu’une recherche en management peut traiter, mais il est possible de poser un cadre pour penser le management, l’innovation et la santé du futur. C’est précisément l’objet de la chaire MISF (Management Innovation et Santé du Futur) que je coanime à l’Université Paris-Saclay, avec Marie-Eve Laporte. Cette chaire regroupe en 2025 une quinzaine d’enseignants-chercheurs et une dizaine de doctorants. Les travaux que nous conduisons s’organisent selon trois axes ; santé & innovation, santé & alimentation, santé & travail.


Les étudiants en EDBA intéressés par un sujet management & santé bénéficieront ainsi d’un environnement enrichissant pour élaborer un savoir utile, revisiter des cadres de pensée ou produire des modèles pour agir.

 

Références


  • Charreire Petit S., Coron C., (2025 – forthcoming), « La prise en compte des femmes dans les essais cliniques : il serait temps de transformer l’essai ! » in Journal de Gestion et d’Economie de la Santé (JGES)

  • Charreire Petit S., Talbot D., (2023) « Les effets des proximités sur l’apprentissage : le cas de la prise en charge de la douleur chronique en France », in numéro spécial de Management International intitulé « Le management des connaissances à l’épreuve des nouveaux « objets » de la gestion du XXIe siècle» - 27(6), 93-105. DOI: https://doi.org/10.59876/a-k34n-xz80

  • Coelho, A., de Brito, M., Teixeira, P., Frade, P., Barros, L., & Barbosa, A. (2020). Family Caregivers’ Anticipatory Grief: A Conceptual Framework for Understanding Its Multiple Challenges. Qualitative Health Research, 30(5), 693–703. https://doi.org/10.1177/1049732319873330

  • Gilbert, P., & Laporte, M.-E. (2022). War and peace in hospitals: Humans, objects and paradoxes. Journal of Business Research, 141, 253–263. https://doi.org/10.1016/j.jbusres.2021.12.015

  • Gilbert, P., & Laporte, M.-E. (2023). L’orientation patient à l’hôpital public: Un dispositif marketing comme compromis entre mondes. Recherche et Applications en Marketing (French Edition), 38(1), 40–60. https://doi.org/10.1177/07673701221112692

  • HAS. (2024). Les répit des aidants—Recommandation. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2024-06/rbpp_repit_aidants-recommandations.pdf

  • Le Hen S., Le Moël MM. (2025). Les négligées. Enquête au Coeur du business de la santé des femmes, Harper & Collins Ed. ISBN 979-1-0339-1514-0

  • McGregor, A. J., & Choo, E. (2012). Gender-specific Medicine : Yesterday’s Neglect, Tomorrow’s Opportunities. Academic Emergency Medicine, 19(7), 861‑865. https://doi.org/10.1111/j.1553-2712.2012.01389.x

  • Pokrovsky A., Aeberhardt R., Charreire Petit S., Talbot D., (2022), "Revealing the role of subjective geographic proximity in the use of medical services: a quantitative case study in a French metropolitan suburb", in Journal de Gestion et d’Economie de la Santé (JGES), vol 4, N°9, P. 294-313. (FNEGE 4, HCERES C)

  • Talbot D., Charreire Petit S., Pokrovsky A. (2020), “La proximité comme perception de la distance : le cas de la télémédecine”, Revue Française de Gestion, vol 46, n°289, pp 54-74.

 



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