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Pour une gouvernance relationnelle



Doctor Mustafa Semlali

DBA à Distance (2021-2025)

Business Science Institute


 

Au cœur de la gouvernance, il y a des femmes et des hommes guidés par des lois et des bonnes pratiques. Mais au-delà de ces formalismes institutionnels, ce sont les interactions qui influencent la prise de décision. La qualité de la gouvernance ne dépend pas seulement des mécanismes traditionnels, mais bien de la « synergie interpersonnelle » (Semlali, 2024) entre ses acteurs.

 

Avec presque un siècle d’existence, l’ouvrage The Modern Corporation and Private Property de Berle et Means (1932) a profondément influencé la gouvernance d'entreprise, donnant lieu à diverses pratiques normatives (actionnariale, partenariale) et théoriques (comportementale, cognitive). Néanmoins, la gouvernance d'entreprise a souvent négligé les relations interpersonnelles entre dirigeants non-actionnaires (DNA) et actionnaires. C’est pour cela que nous avons cherché à comprendre comment développer la relation interpersonnelle entre ces acteurs clés de la gouvernance ? Cette recherche conduite en Doctorante in Business Administration se concentre sur ce défi crucial au sein des entreprises suisses romandes, en proposant un processus dans l’art du développement relationnel en management et des recommandations pour une gouvernance relationnelle.

 

Impact(s) de la recherche


En premier lieu, nos résultats ont permis d'élaborer un processus structuré afin d’obtenir des interactions de qualité et ainsi développer la relation interpersonnelle entre le dirigeant non-actionnaire (DNA) et l’actionnaire. Ce processus s’inspire du modèle de St-Arnaud (2003) axé sur les interactions professionnelles. Il repose sur trois piliers principaux. D’abord (1) l’établissement des bases relationnelles : le pilier initial se concentre sur l'évaluation et la clarification des attentes mutuelles du DNA et de l’actionnaire. L’actionnaire partage une vision claire avec le DNA.  Ensuite (2), le développement de la relation initiale et le renforcement des compétences interpersonnelles : Après avoir situé la relation initiale, le second pilier inclut un processus itératif en 6 phases contenant les bases du développement (ex. : communiquer, avoir des interactions informelles et formelles, révision de la relation, …), guidé par des valeurs fondamentales qui sont la transparence et le respect. L’amélioration continue de ce processus itératif est garantie par un sous-processus dédié. L’étape vise à développer les compétences communicationnelles et interpersonnelles du DNA. Il s'agit de fournir une formation spécifique contenant les outils pratiques et ainsi améliorer les échanges et la compréhension mutuelle. Dans cette formation, nous retrouvons la gestion des attitudes, l’intelligence émotionnelle, la prise de décision et ses méfaits (biais cognitifs), les composantes interpersonnelles (facteurs de développement) et la communication (développer la transmission d’un message). Enfin (3), Le management et le support : dans ce dernier pilier, nous retrouvons l’actionnaire mais aussi le conseil d’administration. Chacun d’entre eux détiennent un rôle de pilotage et de support auprès du DNA en cas de besoin. Les parties prenantes, y compris les ressources humaines, jouent un rôle crucial dans le soutien continu du DNA. Elles assurent le suivi et l’accompagnement dans l'application des nouvelles compétences, garantissant ainsi un développement relationnel soutenu et efficace.

 

Les résultats attendus de ce processus (Schéma 1) incluent une amélioration nette de la relation interpersonnelle, une vision partagée, des valeurs communes et une confiance renforcée entre les DNA et les actionnaires. Ce cadre permet de transformer les interactions en une collaboration harmonieuse et productive, essentielle pour une gouvernance d'entreprise efficace.




 

Schéma 1 : Processus schématique dans l’art du développement relationnel en management

 

 

Seul, le DNA rencontre des difficultés dans le développement de la relation interpersonnelle. En outre, ce processus de développement est en mesure d’être plus efficace et efficient avec l’implication des autres acteurs de la gouvernance. A cet effet, des recommandations supplémentaires ont été formulées. Tout d’abords aux actionnaires, avec une première proposition, le développement de leurs compétences managériales par le biais de formations, leur permettant ainsi de devenir des actionnaires-managers (Action-man). Nos résultats ont montré que le DNA et l’actionnaire échangeaient de façon informelle dans le cadre de la gestion de la structure. Ces échanges n’aidaient pas toujours le DNA à résoudre ses problématiques quotidiennes. Par conséquent, notre seconde suggestion est de recruter un administrateur externe disposant de compétences techniques. Enfin, nous recommandons la mise en place de team-building afin de favoriser les interactions et faciliter le développement du processus relationnel.

 

Concernant le conseil d’administration, nous avons recommandé la formalisation d'une charte relationnelle pour guider les interactions entre DNA et actionnaires. Ce type de document est susceptible de compléter les statuts du conseil et ainsi encadre les interactions. De plus, nous proposons l’intégration d’une « Table ronde ». Le principe repose sur l’établissement d’un cadre de partage basé sur la transparence et les faits, tout en évitant de se laisser submerger par les émotions. Le DNA gère le niveau émotionnel entre les acteurs et reporte la rencontre à un moment plus opportun si nécessaire. Ce type d’échange apporte une réelle mise à plat de la relation entre les acteurs concernés. Pour terminer, notre dernière recommandation concerne la gestion des conflits en mesure d’arriver par l’instauration de mécanismes de médiation concret. En effet, les bonnes pratiques de gouvernance ne font pas référence à des outils éventuels au service du conseil d’administration.

 

Fondements de la recherche


Inspirée notamment par la théorie de l'agence (Jensen et Meckling, 1976), le premier pilier de cette thèse repose sur les pratiques normatives et théoriques énoncées plus haut. Nous nous sommes particulièrement intéressés à la dimension relationnelle de la gouvernance dans le but d’identifier les facteurs déclencheurs de conflits, ainsi que les stratégies de prévention associées. D’ailleurs, cette dimension relationnelle a été soulignée en science de gestion. Ainsi, son rôle dans l'amélioration des relations interpersonnelles au travail a pu être mis en évidence entre autres dans divers travaux (e.g. la critique du modèle taylorien du "one best way", Likert, 1961 ; March et Simon, 1999, l'importance des compétences interpersonnelles dans divers domaines d'activité, Butler et Waldroop, 2004 ; la réhabilitation des relations interpersonnelles, Salomé, 2009 et la relation interpersonnelle comme antécédent de la motivation, Andry, 2016).

Le second pilier de notre recherche s’appuie sur le fondement même de la relation interpersonnelle dans le domaine des sciences sociales. Une démarche identique a été menée avec l’identification des facteurs à l’origine de conflits et les mesures de prévention. Au cœur de ce pilier, nous retrouvons les interactions et le dialogue, indispensable dans les activités des acteurs et pour la création de la relation interpersonnelle (Marc et Picard, 2020) mettant ainsi en lumière l'importance croissante accordée à la communication (Tengblad, 2006).

 

Méthodologie


Au total, 14 entretiens semis-directifs ont été menés auprès de DNA issus de domaine variés tel que l’horlogerie, la mécanique générale et l’aéronautique. Les structures étaient majoritairement des PME (<250 salariés) avec quelques grandes entreprises. Le guide d’entretien a été construit autour de quatre thèmes : Le contexte de la relation ; La relation interpersonnelle ; La communication ; La prise de décision. En Suisse, la culture du secret est omniprésente. Par conséquent, seul le réseau professionnel a permis l’acquisition de ces interviews. Toutefois, la transparence des acteurs a permis un échange riche en connaissance pour le développement du processus. Les résultats ont été obtenus par le biais d’un plan de codage manuel ouvert et abductif.

 

Pour aller plus loin


Berle A. A. et Means G. C, (1932), the modern corporation and private property, 2e edition, 1956, Mac Milan.

Allport G.W. (1935), Attitudes, in Murchison, Handbook of Social Psycholegy, Worcester, Mass, Clark Univ. Press.

St-Arnaud, Y. (2003). L’interaction professionnelle. Efficacité et coopération. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.

Charreaux, G. (2011), « Quelle théorie pour la gouvernance ? De la gouvernance actionnariale à la gouvernance cognitive et comportementale », Cahier du FARGO, avril, n° 1110402, pp. 1-26.

Fischer, G. (2020). Chapitre 1. La psychologie sociale : approche et théories. Dans : G. Fischer, Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale (pp. 15-39). Paris : Dunod.

 

Mots-clés : Relation interpersonnelle, gouvernance, communication, conflit, Suisse.




 

 

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