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Pratiques pédagogiques innovantes : l’entreprise académique étendue comme nouveau cadre d’action (interview de F. Chevalier, HEC Paris)



Chevalier, F.  et Fournier, C.  (dir.) (2024). Pratiques pédagogiques innovantes : Construire la pédagogie de demain. EMS Éditions. https://doi.org/10.3917/ems.cheva.2024.02.
Chevalier, F. et Fournier, C. (dir.) (2024). Pratiques pédagogiques innovantes : Construire la pédagogie de demain. EMS Éditions. https://doi.org/10.3917/ems.cheva.2024.02.


Dans le cadre de la publication de l’ouvrage Pratiques pédagogiques innovantes – Construire la pédagogie de demain, dirigé par Françoise Chevalier (HEC Paris) et Christophe Fournier (IAE Montpellier, AUNEGE), plusieurs contributions explorent la transformation des pratiques pédagogiques dans l’enseignement supérieur. Le concept d’entreprise académique étendue, proposé par Françoise Chevalier, en constitue l’un des fils directeurs. Il désigne une recomposition profonde des modalités de production, de diffusion et de légitimation des savoirs, à la croisée de l’espace académique, du numérique, et des acteurs non académiques.


Une recomposition des rôles dans la chaîne pédagogique


L’entreprise académique étendue repose sur un constat : les enseignants-chercheurs ne développent plus leurs dispositifs pédagogiques seuls, de manière artisanale. La production de cours, en particulier sous forme numérique, mobilise désormais des compétences variées issues d’horizons divers. Pour construire un MOOC, il faut souvent réunir une équipe complète, incluant des spécialistes de la scénarisation, de l’infographie, de la captation vidéo ou de la diffusion. Ces compétences peuvent relever de services internes, mais aussi de prestataires ou de start-ups externes. Cette évolution crée de nouvelles chaînes de sous-traitance, de coordination et d’orchestration au sein même de l’institution.


Ce déplacement s’accompagne d’un effacement progressif des frontières traditionnelles : entre établissements (écoles, universités), entre fonctions (pédagogie, technique, communication), mais aussi entre mondes (académique et économique). Les enseignants deviennent ainsi des chefs de projet, travaillant à l’interface de plusieurs métiers, dans une logique de coproduction élargie. Le modèle de l’artisan solitaire tend à céder la place à une logique de plateforme pédagogique où circulent ressources, expertises et contenus.



Un écosystème pédagogique hors les murs


Ce phénomène s’inscrit dans un environnement où la pédagogie ne se limite plus à l’espace académique. De nombreuses organisations externes – plateformes numériques (Coursera, TEDx, Khan Academy), entreprises (IBM, AXA), start-ups edtech – produisent des contenus de haute qualité, souvent accessibles en libre accès ou en marque blanche. Ces nouveaux fabricants de savoirs contribuent à transformer les usages pédagogiques au sein même des institutions, en invitant les enseignants à sourcer, adapter ou recombiner des modules existants.


Ce mouvement rend la frontière entre producteurs et diffuseurs de contenu plus poreuse. Il favorise également des formes hybrides de collaboration, dans lesquelles les établissements d’enseignement supérieur ne sont plus les seuls lieux légitimes de formation. Ils deviennent des nœuds dans un réseau plus vaste, aux géométries variables.


Une pédagogie en tension entre massification et personnalisation


Enfin, cette dynamique modifie en profondeur le rapport au temps et à l’espace dans l’apprentissage. L’enseignement ne se déroule plus dans un cadre unique, sur un temps long et linéaire. Il devient continu, fragmenté, à la demande. Les apprenants accèdent à des ressources modulaires selon une logique de pédagogie en juste attente, qui permet d’adapter les contenus aux besoins spécifiques de chacun. Cette forme de mass customisation, rendue possible par les technologies numériques et l’intelligence artificielle, redéfinit les parcours et bouleverse les formats classiques de transmission.



L’ouvrage souligne ainsi l’émergence d’un nouvel écosystème éducatif, caractérisé par la diversité des acteurs, l’éclatement des séquences pédagogiques, et l’intégration progressive de logiques de production collaborative. Il invite à repenser les stratégies académiques à l’aune de ces mutations, dans une perspective ouverte et partenariale.

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